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La taille de la vigne : une opération longue qui détermine la future récolte et la pérennité de la vigne

La taille de la vigne a-t-elle été inventée par un âne ?
Je ne saurais répondre à cette question, s’agit-il d’une légende ou y-a-il une part de vérité, à vous d’en juger.
La légende raconte qu’un de nos ancêtres vignerons quelque peu négligent a un jour laissé son âne brouter ses vignes.
Il aurait observé que les vignes broutées par l’âne avaient produit des raisins plus beaux et plus abondants qu’à l’habitude : il a donc eu l’idée de renouveler l’opération et ainsi inventé la taille de la vigne.

En tous cas, de nos jours, on ne saurait confier cette délicate opération à ce sympathique mammifère.

La taille de la vigne est en effet une opération minutieuse, technique, de la plus haute importance tant pour la qualité de la récolte que pour la pérennité de la vigne.

En taillant, Ida pense à la future récolte et au devenir du cep de vigne.
Remarquez le gant de la main gauche muni de coques de protection métalliques.

Les opérations de taille se déroulent dans notre région de mi-novembre (lorsque les premières gelées ont fait tomber les dernières feuilles) à mars.
Bien qu’un dicton de vigneron dise « taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars », nous commençons dès mi-novembre pour avoir le temps matériel de tailler toutes nos vignes.
C’est une course contre la montre, il faut avoir terminé la taille avant le débourrement de printemps.
Les jeunes vignes, les vignes les plus fragiles, les parcelles exposées aux risques de gelées printanières sont taillées en fin d’hiver, lorsque la sève commence à remonter.

En maniant son sécateur, le vigneron a deux objectifs :

  • faire évoluer la forme du cep de vigne, assurer sa survie à long terme
  • choisir les bois de taille qui vont porter la prochaine récolte .

Premier objectif, sculpter le cep de vigne.Nos vignes sont palissées, nous passons avec des tracteurs et des outils (tondeuse, rogneuse, pulvérisateur, travail du sol…). Il est donc impératif que les ceps restent alignés dans le rang, les bras du cep doivent donc rester sagement dans le droit chemin.
Si le vigneron n’y prend garde, le cep de vigne a une fâcheuse tendance au fil des années à s’allonger et à prendre de la hauteur, empiétant sur l’espace vital de ses voisins. Le tailleur doit donc choisir ses bois de taille avec soin, afin de sculpter le cep et lui garder la forme souhaitable.

Deuxième objectif, préparer la prochaine récolte.

Les bois de l’année qui ont poussé sur un bois de l’année précédente sont les plus fructifères. Le vigneron les choisit donc en priorité.
Il est également attentif à l’aspect du bois qu’il va conserver : diamètre, absence de maladie, espacement des bourgeons.
La longueur de l’aste détermine la « charge », c’est à dire le nombre de raisins que va porter le cep de vigne.
Les jeunes vignes, les pieds les plus faibles dans les vieilles vignes seront taillés plus court, afin de privilégier la vigueur et l’enracinent pour le futur plutôt que la récolte de l’année.

Un ouvrage de référence sur la taille de la vigne aux éditions Dunod (ajouté le 25/02/2008)

Sur notre exploitation comme dans la quasi-totalité du bordelais, nos vignes sont palissées et nous pratiquons la taille guyot, simple ou double selon les parcelles.
Guyot simple : une aste et un cot, guyot double deux astes et un cot.
L’aste est le bois de taille principal, il porte 7 à 8 bourgeons.
Aux printemps, les bourgeons de l’aste se développeront en rameaux qui porteront les raisins.
Le cot (ou courson) est destiné à préparer la taille de l’année suivante : si tout se passe comme prévu, c’est sur ce cot que sera taillée l’aste l’année prochaine.
Si vous avez tout suivi, vous avez sans doute remarqué que le bras qui porte le cot et celui qui porte l’aste sont inversés chaque année dans le cas de la taille en guyot simple.

En moyenne, le vigneron va donner entre quinze et vingt coups de sécateur par cep de vigne. Parfois il utilise également sa scie pour raccourcir un gros bras qui s’est trop allongé.
Un vigneron expérimenté taille un peu plus de 1000 ceps de merlot par jour dans des vignes en bon état, un peu moins en cabernet sauvignon.

La taille se déroule en conditions hivernales, c’est un travail difficile.
Heureusement, les nouvelles technologies ont diminué la pénibilité :

  • l’apparition de sécateurs pneumatiques depuis une trentaine d’années, puis électriques depuis une dizaine d’années diminuent le risque de tendinites et autres « tms » (troubles musculo-squelettiques dans le jargon de la mutualité sociale agricole (MSA).
  • les gants à coque de protection évitent les coupures aggravées par la puissance des sécateurs modernes.
  • Les bottes et les vêtements de protection contre le froid et la pluie sont plus légers et efficaces qu’autrefois.

Pour tailler, Ida utilise essentiellement le sécateur électrique, qui rend l’opération moins pénible et plus rapide.
Pour les grosses coupes, il lui faut sortir la scie (remarquez le fourreau de la scie accroché à sa taille).

Si vous avez envie de devenir vigneron, sachez qu’il vous faudra une saison complète de taille pour seulement commencer à devenir efficace !

Pour terminer, je vous propose, avec la complicité d’Ida, une série de photos qui vous montre le déroulement de la taille d’un cep de vigne (en moins de 2 minutes…).
Vous pouvez cliquer sur chaque photo que vous souhaitez voir en grand format.

Ida taille un pied de cabernet-sauvignon : les premières coupes

Le choix de l’aste

Le nettoyage de l’aste

Le nettoyage de l’aste (2)

Le nettoyage de l’aste (3)

Le nettoyage de l’aste (4)

La mise à longueur de l’aste

L’aste est terminée

Le nettoyage de l’intérieur du cep

Le nettoyage de l’intérieur du cep (2)

La coupe de l’aste de l’année précédente


Le nettoyage de l’intérieur du cep (3)
Remarquez qu’entre-temps, le cot a été taillé à 2 yeux (au-dessus du sécateur)

L’élimination des bois inutiles

Le cep est terminé, on passe au suivant.

Pour vous permettre de visualiser le travail terminé, les bois taillés ont été tombés.
En réalité, cette opération de « tombée des bois » est faite par la suite.

Le bras gauche du cep porte le cot (2 yeux), le bras droit porte l’aste (7 à 8 yeux)